Une chouette hulula dans la fraîche fin de nuit, mais cela suffit à sortir Quentyn de ses songes. Fixant le plafond obscur, qu'il pouvait deviner à la clarté entrant par la maigre ouverture entre les fins rideaux, il tenta en vain de se souvenir de son rêve. Peine perdue. Et puis d'après la lumière qu'il pouvait deviner à l'extérieur, le soleil ne devrait plus trop tarder à se lever, aussi le seigneur des Grès se redressa, appréciant le contact de l'air frais sur sa peau nue. De l'autre côté de la spacieuse chambre se trouvait le lit où dormait encore paisiblement Trystan, enfoui sous de délicats draps blancs. Se lever, frissonnant lorsque ses pieds s'enfouirent dans l'épais tapis, Quentyn marcha silencieusement jusqu'au chevet de son cadet, s'assurant de sa respiration, de son bien-être. Satisfait, il enfila une longue tunique lui descendant jusqu'aux genoux, et serrant une épaisse ceinture de corde autour de sa taille, quitta la pièce jusqu'à celle attenante. Un des six cavaliers composant sa suite se trouvait debout devant l'âtre, où un feu brûlait déjà, ses douces flammes répandant quelque chaleur bienvenue : si les journées à Dorne se révélaient torrides, les nuits n'hésitaient pas à se rafraîchir au point qu'un bon feu réjouissait toujours Quentyn dès les premières lueurs de l'aube. « Bien le bonjour, Monseigneur. » Ayant remarqué la présence de Quentyn, le soldat, un homme d'une trentaine d'années faisant partie de ses gardes les plus proches depuis bien longtemps, baissa la tête en guise de salutations. « Vous fais-je apporter de quoi déjeuner ? » Connaissant parfaitement les habitudes de son seigneur, Dezial prenait déjà la direction de la sortie, et ce avant même d'entendre la réponse de Quentyn. « Bonjour. Oui bien volontiers. » Prenant place sur un imposant siège non loin de la chaleur des flammes, le seigneur Qorgyle prit son temps pour déjeuner, agréablement surpris par la bouillie d'avoine parfumée au citron et au miel, par les douces pâtisseries et par le jus d'agrumes frais. Une fois repu, Quenty effectua sa toilette à l'aide d'un bassin d'eau tiède et de linges parfumés disposés à son attention. Olyvar, obligé de me traiter comme un roi. Vêtu de fin habits où prédominait le soir et le rouge de la maison Qorgyle, agrémentés des trois scorpions des Grès, Quentyn se demanda si son ami d'enfance se trouvait déjà debout. Sûrement, mais ils avaient discuté jusqu'à tard la veille, et l'invité ne souhaitait déranger son hôte en une heure si matinale.
S'adressant à Deziel d'une voix souriante tandis qu'il laçait ses chaussures de cuir souple, Quentyn l'informa de ses intentions. « Je vais profiter de la fraîcheur des jardins, nul besoin de m'accompagner. Profitez-en pour déjeuner à votre tour, et dès que Quentyn sera levé trouvez un moyen de le distraire. » Cela ne manquait pas aux Météores, et Deziel servait la maison des Grès depuis suffisamment longtemps pour savoir comment occuper l'esprit et le corps du jeune Trystan. Comprenant là que son seigneur désirait profiter du calme amené par le lever du soleil, Deziel se contenta de hocher la tête en signe de compréhension, avant de regarder son seigneur quitter la pièce. N'emportant nulle arme de taille, Quentyn conservait néanmoins devant ses larges habits, typiques de la principauté, deux dagues, dont l'une se trouvait constamment enduite de poison de scorpion, pouvant paralyser sa cible en moins d'une heure. Il ne craignait absolument rien dans l'enceinte des Météores, mais l'histoire ne rappelait que trop souvent que la prudence pouvait éviter bien des maux.
Une fois dans les jardins, qui semblaient vides en cette heure matinale, Quentyn afficha un sourire teinté de surprise lorsqu'il aperçu la charmante Allyria Dayne, la cadette de la fratrie Dayne. Ils n'avait passé que peu de temps ensemble la veille, aussi le seigneur des Grès espérait pouvoir discuter un peu plus longtemps avec celle qu'il considérait un peu comme une petite soeur, fruit du lien puissant liant les maisons Dayne et Qorgyle. « Monseigneur, j'ignorais que vous étiez aussi matinal. » Tandis qu'elle s'avançait dans sa direction, un sourire radieux sur le visage, Quentyn se disait que finalement quitter la chaleur et le confort de son lit se révélait à présent gratifiant. « Puis-je vous offrir ma compagnie pour profiter du lever du soleil ? » Attrapant la main de la belle avec douceur, Quentyn y déposa un doux baiser, fraternel et de courtoisie. « Feu mon Père me disait parfois que le monde appartenait à ceux se levant tôt, et je me plais à croire qu'il avait raison. » S'il lui arrivait parfois de profiter de ses matinées pour se reposer et dormir un peu plus, Quentyn finissait invariablement par sentir que sa journée se trouvait en partie perdue. Alors qu'une fois levé de bonne heure il disposait en général tant de temps pour effectuer tous les travaux nécessaires à son rang, assumer toutes les responsabilités de seigneur. « Et bien je dois vous avouer qu'il s'agit là d'une surprise bienvenue, qui ne fera qu'embellir ces jardins. » S'il parlait avec courtoisie, Quentyn ne voulait que faire preuve de gentillesse envers Allyria. Il se sentait très proche de la demoiselle, au point de lui avoir confié, depuis deux années maintenant, sa douce Obara, afin qu'elle lui serve de dame de compagnie. Car quel meilleur modèle que la ravissante Allyria des Météores ? « J'espère qu'Obara ne vous cause pas trop de soucis ? » La petite semblait en effet avoir hérité non seulement de la beauté de sa mère, mais également d'une pointe de témérité de son père, ainsi que son côté borné. Ce qui faisait d'Allyria la personne parfaite pour prendre en charge l'éducation d'Obara, tout en liant encore un peu plus ces deux prestigieuses familles.