The roses of Highgarden gather

Tout dans ce chateau m’épuisait. Les jardins trop travaillés. Les rires feints et hypocrites. Les paroles douceâtres et mielleuses. Les regards inquisiteurs. Les mensonges éhontés. Les bals, siège de l’indifférence et de l’ambition. J’avais toujours eu l’impression d’être un oiseau prisonnier. Une petite perruche bloquée dans une cage dorée. J’étouffais. Mon enfance, je l’avais passée à suffoquer. Moi qui rêvait d’aventures, de grandes escapades et de découvertes… Je m’imaginais parcourant le monde, la Mer Étroite, comme le contaient les livres et les chants. Mais non. J’étais engoncée dans de ridicules robes, coiffée de façon tout aussi stupide et je me devais de savoir danser et badiner comme une pauvre bécasse face à des gens qui m’insupportaient. C’était cela. J’étais la reine des dindes dans la basse-coure. Reine pleine de plumes et méprisée par son propre sang. Méprisée… Peut-être y allais-je un peu fort. Mais il me semblait que mes parents de me portaient aucune affection. Mère n’avait d’yeux que pour Maegor. D’ailleurs, lui et Theon ne m’adressaient plus guère la parole depuis mes dernières esclandres. Et enfin, Père… Il me voyait plus comme une nuisance. Une petite rebelle faisant tout pour se faire remarquer alors que je devrais trouver un bon parti et me marier.

En parlant de mariage… Cette simple pensée m’arracha une grimace. Jehan Lannister. Par les Sept, pourquoi m’avait-on fiancée au lion ? Si mon géniteur semblait tout à fait satisfait de son arrangement, j’en étais demeurée interdite lors de l’annonce. Puis, j’étais restée prostrée une partie de la soirée. J’allais troquer ma cage dorée contre une cage de pierres dans les Terres de l’Ouest. Jamais je ne pourrais devenir une épouse. Jamais. La parfaite Allaya n’était-elle pas parfaite pour le rôle ? Elle avait toujours été la préférée de tous. Le modèle, l’exemple à suivre. Petite poupée délicate et charmante. À côté d’elle, je ne devenais pas transparente que grâce à mes protestations constantes. N’aurait-elle pas été la parfaite femme pour le Lannister ? Seuls mon jumeau, Raymond, et Petyr pouvait me comprendre. Petyr… Il me manquait tellement. Que faisait-il à Accalmie en ce moment même ? Avait-il appris pour mes fiançailles ? Aujourd’hui, lorsque je songeais à lui, un sourire doux et amère apparaissait sur mon visage. Premier amour et premier chagrin. Petite sotte ridicule que j’étais à l’époque ! Nous avions bien grandi depuis.

Perdue dans mes pensées, je errais à travers les allées verte du jardin du château. Ces mêmes allées que je venais à détester par moment. J’en avais taillé des branches avec la pointe de mon épée ! Quelques nobles discutaient et riaient, à l’ombre de quelques bosquets fournis. Une douce musique flottait dans l’air. Des notes aériennes alors que je mourrai, des tambours de guerre et de conquête dans mon coeur. Cependant, mon oreille fut interpellée par une voix se détachant des autres. Je pinçais les lèvres. A n’en point douter, ces intonations précieuses et aiguës ne pouvaient appartenir qu’à une seule personne. Allaya. Et en effet, je la vis apparaitre, riant, une fleur à la main. Oh, gracieuse elle l’était. Une vraie petite fée. Je faisais bien souillon à côté.

Je voulus l’ignorer et faire demi-tour, ni vue ni connue, mais le sort en voulu autrement lorsque je l’entendis héler mon nom. Avec un soupir et un rictus fugace, je me tournais vers elle pour lui offrir un sourire crispé et loin d’être naturel. Je retenais ma furieuse envie de lever les yeux au ciel. Elle congédia son partenaire de conversation et s’avança vers moi, comme flottant sur un nuage. « Allaya, » la saluais-je de façon abrupte. « Encore dans les jardins… Ne te lasses-tu donc jamais ? » J’avais posé cette question sans animosité aucune. J’étais réellement curieuse de sa réponse. Comment pouvait-on prendre du plaisir à toujours voir les mêmes choses ? À toujours emprunter les mêmes chemins ? Ma soeur restait des heures et des heures à s’occuper des rosiers et des arbustes. C’était un vrai mystère pour moi. « Enfin, » abrégeais-je en croisant les bras sur ma poitrine, « mon ennui est tel aujourd’hui que j’en suis venu à me promener. M’accompagnes-tu ? » Je n’attendis pas sa réponse pour tourner les talons et continuer ma marche. Je l’entendis trottiner pour me rattraper.

Bientôt, une nouvelle figure familiale apparue dans l’allée centrale. Maegor. Oh, et moi qui avait cru une seconde échapper à ma famille ! Je fronçais les sourcils alors que nous nous approchions. Il avait l’air soucieux. Pour une fois, je n’étais pas la cause de cet embarras. « Hé bien, hé bien, » grinçais-je, « il me semble que nous nous trouvons tous à déambuler comme des âmes en peine aujourd’hui. » Je haussais les épaules. « Tu sembles préoccupé, » lançais-je en mimant son expression d’inquiétude qui, ma foi, m’arracha un sourire sincère.